Les Abimes d'Autremer, de Danielle Martinigol

Chaque histoire est constituée de rebondissements, de voyages. J’ai eu la chance au cours de ma jeunesse de partir en colonie de vacances, et ces étés passés en montagne m’ont fait aimer marcher dans les espaces ouverts, en compagnie de petits groupes hétéroclites, loin des fourmilières humaines. La lecture (comme l’écriture) me procure des sensations similaires d’évasion et de rencontres, au détour de titres surprenants.

Ainsi en va-t-il de la très belle trilogie Les Abîmes d’Autremer, de Danielle Martinigol, éditée par ActuSF et parue dans la collection Naos.

Le début de l’histoire
Le vaisseau Tyranaël, capable de transporter onze mille passagers à travers l’espace, est en perdition. À bord se trouvent Sten et Sandiane Ravna, père et fille, et surtout deux reporters d’exception qui avaient embarqué pour ce vol inaugural. Toujours à l’affût du bon scoop, ils filment et diffusent en direct via le réseau interplanétaire leur propre sauvetage. Lequel est relayé à des milliers d’années-lumière de là, sur la mystérieuse planète Autremer, d’où sont originaires les Abîmes, des vaisseaux gigantesques capables de sauts dans l’hyperespace. L’un d’eux se porte au secours des passagers en perdition. Son pilote reste caché de tous, comme il est coutume pour les pilotes d’Abîme ; aussi, ce n’est pas la reconnaissance qui étouffe les Ravna, mais la curiosité. Ils sont prêts à user de tous les moyens pour rencontrer le pilote de ce vaisseau exceptionnel et à percer le secret d’Autremer…

Mon avis
Cette intégrale présente quatre textes : la trilogie au cours de laquelle on suit l’évolution de Sandiane, ses proches et Autremer sur vingt-cinq ans, puis la nouvelle qui raconte la « découverte » des Abîmes.
Au début de ce voyage, l’absence totale de scrupules rend Sandiane et son père très vite insupportables ; toutefois, la narration alternée entre eux et les Autremeriens permet de reprendre son souffle… et très vite, notre curiosité aussi est piquée au vif. On voyage dans les paysages marins sauvages et grandioses de la planète, on devine la nature particulière des Abîmes et on comprend l’amour total que leur portent leurs pilotes. Dans le premier roman des trois, parmi les principaux sujets traités, on réfléchit aux bornes à poser ou pas au droit à l’information, lorsqu’il menace une société entière jusqu’alors fermée au reste du monde. Dans les deux autres textes, l’attention est davantage portée sur le lien avec les Abîmes et sur la notion de coexistence pacifique.
Il est difficile de ne pas révéler ce qui fait ici le sel de l’intrigue. Si l’on s’en tient à la forme : le style est soigné, les intrigues maîtrisées et les personnages attachants, notamment Sandiane qui va être métamorphosée par son expérience initiale sur Autremer. Les descriptions des voyages, de la planète émeraude notamment, portent en elles une poésie de sensations, de couleurs. Les descriptions des Abîmes et de leur lien si fort avec leurs pilotes font regretter de ne pas pouvoir voyager vraiment ainsi. Sur l’intrigue, il y a quelques bémols. Par exemple, on devine bien trop vite le secret des Abîmes, et on donnerait des baffes à la Sandiane adolescente d’être si obtuse ; et dans la troisième partie, les « autres » que l’on rencontre sont toujours très semblables à nous. Mais ces légers « couacs » ne changent rien au fond qui reste empreint d’humanisme et d’optimisme.
Le roman est paru dans une collection « jeunesse » car les personnages principaux de chaque époque sont des adolescents ou de jeunes adultes, mais cela peut évidemment être lu par des adultes ! Pour ceux qui ne lisent pas de science-fiction parce qu’ils sont réfractaires à Star Wars, pas de panique : ici, pas de sabre laser ou de philosophie à la maître Yoda. La force du texte réside en ce qu’il utilise des éléments très familiers (le réseau, l’information continue) comme fondements de cette société futuriste, tout en montrant que le ciment principal reste le côté lumineux de l’humanité. Et croyez-moi, en ces temps difficiles, cela fait sacrément du bien.

Contenu de l’intégrale
Première époque : L’Élue
Deuxième époque : L’Envol
Troisième époque : L’Appel
Nouvelle : L’Enfant et l’Abîme

Bonus
Interview de Danielle Martinigol : www.fantastinet.com/interview-de-danielle-martinigol/
Site de la maison d’édition permettant de télécharger les 50 premières pages : www.editions-actusf.fr/danielle-martinigol/abimes-autremer

À lire aussi
La vieille Anglaise et le continent, de Jeanne-A Debats, éditions Folio SF www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-SF/La-vieille-Anglaise-et-le-continent-et-autres-recits

Informations complémentaires
Les Abîmes d’Autremer, de Danielle MARTINIGOL
Couverture : Jessica ROSSIER
Éditions ActuSF, collection Naos, distribution Harmonia Mundi
Parution : janvier 2017
504 pages – 14,90 €
ISBN : 978-2-36629-830-7
Disponible également en format numérique (6,99 €)

(Je l’ai lu en version numérique, mais j’ai été séduite au point d’envisager l’acquérir en version papier, par curiosité tout d’abord : y a-t-il des illustrations qui permettraient de continuer le voyage ? mais aussi par plaisir de le prêter et de le faire découvrir... notamment à ma libraire !)