Un classique indispensable : La Peste, Albert Camus
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Depuis quelques mois, me voici formatrice auprès de jeunes libraires ; comme je les pousse à lire ou relire les grands classiques, je me prête moi aussi à l’exercice. Parmi ces grands textes, j’ai relu avec beaucoup d’émotion La Peste.
Le début
Oran, printemps 194xx. Les fleurs se préparent à s’épanouir, on compte les jours jusqu’aux premiers bains de mer, un journaliste est venu de la métropole pour enquêter sur les conditions de vie des Arabes. Dans les rues, quelques rats sont venus mourir. Jusqu’à présent, rien d’inquiétant…
Mon avis
En une narration qui se veut objective, on suit les différentes phases de l’avancée de cette peste d’abord sournoise dans les rapports du médecin, les articles du journaliste bloqué par la quarantaine, les prêches du prêtre… La peste rappelle bien sûr l’autre peste, brune, qui avait envahi l’Europe et sous le joug de laquelle la France se trouvait lorsqu’Albert Camus a commencé l’écriture de ce roman : la résistance du docteur Rieux et de ses compagnons rappelle celle à laquelle Camus avait activement pris part ; l’aveuglement de l’Église, l’inanité de l’administration, l’indifférence ou la volonté de ne pas voir dont a fait preuve la grande partie de la population sont semblables à la situation qui prévalait en 1940. En un passage très émouvant décrivant les fumées qui s’échappent des fours crématoires où sont éliminés les cadavres des victimes de la peste, Camus dépeint l’inconcevable, dont le monde prenait tout juste vraiment conscience lors de la sortie du roman.
Mais l’avertissement final est là pour nous prévenir du danger : cette peste n’est pas un épisode unique. Le bacille ne disparaît jamais.
Et l’indifférence ne sert que ce qu’elle prétend ignorer.
Extrait
« Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment (…) et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. »
(p. 279)
À lire aussi
Matin brun, de Franck Pavloff, Cheyne éditeur
1984, George Orwell, Folio (et autres versions)
Le Club des punks contre l’apocalypse zombie, Karim Berrouka, éditions Les Moutons électriques
Fortune cookies, Silène Edgar, éditions Bragelonne, collection Snark
Informations complémentaires
La Peste, Albert Camus, éditions Folio
Distribution SODIS
288 pages, sous couverture illustrée, 108 x 178 mm
7,10 €
ISBN : 9 782 070 360 420
Première parution juin 1947