Memorex de Cindy Van Wilder

  • À l'ombre des nénuphars - Gertrude - Sandrinoula
  • Livres, jeunesse

C’est mercredi, c’est le jour des petits… et des plus grands !

J’étais curieuse de découvrir la collection « Électrogène » des éditions jeunesse Gulf Stream, collection lancée en 2015 et décrite comme une collection de titres à forte tension narrative et « qui ne se censurent pas » (interview de Paola Grieco par Actualitté http://jeunesse.actualitte.com/editeurs/electrogene-la-nouvelle-collection-made-in-gulf-stream-965.htm).

J’avais découvert la plume de Cindy Van Wilder dans sa trilogie Les Outrepasseurs, et j’étais curieuse de découvrir ce nouveau roman, bien loin en apparence de ces premières publications.

Le mot de l’éditeur

2022. Cela fait un an que la vie de Réha a basculé. Un an que sa mère est morte dans un attentat contre sa fondation, Breathe, qui promeut un art contemporain et engagé. Un an que son père, un scientifique de génie, ne quitte plus Star Island, l’île familiale. Un an qu’Aïki, son frère jumeau, son complice de toujours, s’est muré dans une indifférence qui la fait souffrir. Le jour de ce sinistre anniversaire, la famille est réunie sur l’île : c’est le moment de lever les mystères, les tabous, les rancœurs que Réha ressasse depuis un an. Au cœur de l’énigme : Memorex, la multinationale pharmaceutique de son père, ainsi que ses expérimentations sur la mémoire. Des expérimentations qui attisent les convoitises de personnages puissants et sans scrupules, prêts à tout pour accomplir leurs rêves les plus fous.

Memorex de Cindy Van Wilder

Mon avis

Qui n'a pas souhaité effacer de sa mémoire ce souvenir qui l'empoisonne ? Et quel parent ne serait pas prêt à tout pour protéger son enfant de la douleur et de ses propres démons ?

On commence ce roman polyphonique par la narration de Réha, revenue en pensionnat après l’attentat qui a tué sa mère et blessé son frère. Les premiers chapitres nous plongent dans ce quotidien qui lui est si difficile : Réha se débat entre cauchemars et vie sociale déstructurée. Ces premières pages qui pourraient n’être qu’une histoire de lycéens ne sont en réalité pas du tout anodines dans la construction du personnage de Réha, mais rappellent combien il est difficile de « revenir à sa vie d’avant » quand celle-ci a été bouleversée par une telle catastrophe (et depuis la série Jessica Jones, on sait que même les superhéroïnes ont à survivre en gérant un syndrome de stress post-traumatique). Puis d’autres voix entament leur récit, à une période antérieure (il faut être attentif aux dates indiquées), et visualisée par une police de caractères très différente de celle utilisée pour Réha. Tout au long du texte, on oscille donc entre Réha et les autres, c’est-à-dire entre deux époques : le présent de Réha et l’histoire des autres voix, ce qui contribue à accentuer davantage la tension dramatique.
Le texte est construit comme un thriller, avec un personnage se débattant à tout prix pour comprendre la vérité sur un crime, et un rythme qui se fait haletant en deuxième partie du livre : on n’est plus au pensionnat, mais sur l’île familiale, en un huis clos réunissant une famille déchirée par la mort de la mère, et des criminels sans scrupule. Parmi les personnages secondaires, Aïki est lui aussi très attachant ; on a envie de prendre sous son aile et d’aider cette fratrie brisée. Et j’ai également beaucoup aimé l’évolution de la relation entre Réha et Holly, la petite amie d’Aïki qui se révèle bien plus intrépide que ce que l’on penserait. Enfin, au fil des souvenirs du père des jumeaux, on plonge dans l’enfer de la guerre civile et de la vie des réfugiés.
En apparence, on est loin de l’univers des Outrepasseurs, teinté de féérie et de références au Moyen-Âge ; toutefois, on retrouve la thématique déjà présente de la mémoire, et de son importance dans la construction de l’individu. Dans Les Outrepasseurs, Peter se débat avec une mémoire collective qu’il découvre et avec des secrets de son clan ; ici, Réha se débat avec sa propre mémoire, et avec les secrets de ses parents. Et bien que l’échelle de temps « mémorielle » soit différente (pour Peter on parle de siècles, alors qu’il s’agit pour Réha d’événements récents), les deux adolescents doivent entrer dans la vie adulte en démêlant secrets et mémoire altérée, à une période charnière pour la personne.


Un roman qui ne se lâche pas, très bien écrit, enrichi de nombreuses références, servi par une mise en page et une maquette impeccables, et qui aborde de façon réaliste et pertinente les thèmes de la mémoire, des traumatismes liés à la mort et à l’exil – des thèmes qui résonnent sombrement avec notre actualité.

 

Bonus : vidéo « bande-annonce »
https://youtu.be/H2vTzwIvCHQ

 

À (re)voir

Eternal sunshine of the spotless mind, de Michel Gondry (2004)

 

Informations complémentaires
Memorex, de Cindy Van Wilder https://cindyvanwilder.wordpress.com/
Éditions Gulf Stream http://www.gulfstream.fr/livre-311-memorex.html, collection Électrogène ; distribution Volumen
14x22cm/Broché
408 pages
ISBN : 978-2-35488-332-4
17 € TTC

 

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