Lavinia d'Ursula K. Le Guin

  • À l'ombre des nénuphars - Gertrude - Sandrinoula
  • Livres, Antiquité

La production éditoriale actuelle accorde une grande place à la littérature dite contemporaine, à la science-fiction façon « anticipation » ou « dystopie », ou encore aux univers dérivés de l’imaginaire dit « médiéval fantastique ». Aussi, pour moi qui ai étudié les lettres classiques, n’ai-je pu résister à ce titre qui évoque les origines de Rome : Lavinia, de la grande Ursula K. Le Guin, dans une splendide édition de l’Atalante.

Lavinia d'Ursula K. Le Guin

Le mot de l’éditeur

Comme Hélène de Sparte j’ai causé une guerre. La sienne, ce fut en se laissant prendre par les hommes qui la voulaient ; la mienne, en refusant d’être donnée, d’être prise, en choisissant mon homme et mon destin. L’homme était illustre, le destin obscur : un bon équilibre.

Dans L’Énéide, Virgile ne la cite qu’une fois. Jamais il ne lui donne la parole. Prise dans les filets du poète qui n’écrira l’épopée des origines de Rome que des siècles plus tard et sans avoir le temps de l’achever avant sa mort, Lavinia transforme sa condition en destin. De ce qui sera écrit elle fait une vie de son choix. Et cela dans la douceur amère et la passion maîtrisée que suscite son improbable position : elle se veut libre mais tout est dit.

Lavinia a obtenu le Locus Award 2009, le prix de la plus prestigieuse revue américaine consacrée au domaine de l’imaginaire.

Mon avis

Dès la première phrase, j’ai failli décrocher : mon cerveau a voulu remplacer chaque passé composé par un passé simple. J’ai beau savoir que cette pratique prend de l’ampleur parmi les traducteurs et les auteurs contemporains, cela m’agace au plus haut point : pourquoi donc traduire le prétérit anglais par le passé composé, alors que tout le récit est au passé simple ? Toutefois, j’ai serré les dents, j’ai tenu bon, et bien m’en a pris.

On découvre le personnage de Lavinia, qui est la narratrice. Elle nous raconte sa vie, à partir d’un certain jour de sa dix-neuvième année. Elle nous entraîne à l’embouchure du Tibre, bien longtemps avant la fondation de Rome, en un temps où la légende va bientôt nourrir l’histoire ; et nous la suivons jusqu’à ce qui pourrait être sa mort. On vit les combats des Troyens face aux habitants du Latium, lorsque les compagnons d’Enée tentent de s’imposer pour obtenir leurs nouvelles terres. La société décrite n’a rien de tendre ni de poétique ; sans la vision éclairée et l’amour de son père, Lavinia serait traitée comme du bétail ; sans la mesure du dirigeant, la moindre incartade se transforme en boucherie au cours de laquelle les hommes oublient toute humanité. Pourtant, on ne s’en tient pas à une description « historique », mais on traverse les époques : les personnages d’Énée et ses compagnons permettent de réfléchir à ce que vivent les vétérans (les survivants) d’une guerre, mais aussi sur la persistance des migrations à travers le bassin méditerranéen, les Troyens s’installant sur les bords du Tibre car ils ont été chassés par les Grecs de leur ville.

Ursula K. Le Guin a choisi de nous faire entendre la voix de cette femme qui n’est qu’un nom dans la grande Énéide de Virgile ; elle lui donne une biographie, une vie, des amours, des souvenirs… et lui fait rencontrer le poète au cours de scènes oniriques. Au cours de ces intermèdes poétiques et au-delà du grand travail de documentation historique sur cette période des origines de Rome avec l’arrivée d’Énée et des survivants troyens, elle nous propose alors une splendide réflexion sur le lien entre le poète et sa création, et sur la pérennité de l’art.

Enfin l’édition dans la collection « classique » de l’Atalante est magnifique : couverture souple façon cuir avec un toucher doux et une illustration inspirée des monnaies romaines, maquette intérieure soignée avec des éléments graphiques inspirés eux aussi de l’antiquité romaine. Un bel écrin pour ce texte qui donne envie de redécouvrir L’Énéide de Virgile et de replonger dans l’histoire et les mythes de Rome.

Informations complémentaires

Lavinia, d’Ursula K. Le Guin, éditions L’Atalante

http://www.l-atalante.com/catalogue/classiques_de_l-imaginaire/lavinia/48/936/ursula_k_le_guin/detail.html

Date de parution : novembre 2016

Traduit par : Marie Surgers (qui a également traduit les titres de Larry Correia)

Illustrateur : Raphaël Defossez https://www.behance.net/leraf

Collection : Classiques de l’imaginaire

ISBN13 : 9 782 841 727 902

Nombre de pages : 320

Prix : 23,00 €

Diffusion : CDE, distribution : SODIS

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