"On naît libraire !" Interview de Pierre, 3
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(Suite de l'interview de Pierre, commencée ici et ici.)
ALON : Parlons davantage « communication », « événementiel ». La librairie organise-t-elle des dédicaces ? Quelle est sa participation aux événements locaux (ou plus) ?
PL : On fait tout ! Patricia, son mari et Vincent sont déjà dans cette optique : toute idée neuve est bonne à tester. Le principal travail du libraire est d’abord d’avoir une belle offre et un bel accueil dans le magasin. Il ne faut pas dépenser toute son énergie dans un salon et abandonner le magasin ! Ce doit être un choix d’équipe, car ceux qui restent au magasin ont plus de travail.
Mais il est clair qu’il faut aller chercher les clients hors du magasin aujourd’hui.
ALON : Y a-t-il un impact sur le chiffre d’affaire ?
PL : Il faut essayer, tenter les nouvelles idées... mais on n’a pas le temps de « mesurer l’impact » ! Il faut être bon, avoir envie. On ne peut pas « calquer du marketing », la librairie doit rester vraie. OK, on fait du marketing quand on met des petits mots sur les livres mais rien de plus. Désolé, mais je fuis cet aspect « marketing », les stats. Peut-être en réaction à la banque, j’y suis resté trop longtemps...
Il est évident que si on est à la librairie ET dans un salon, on vendra plus que si on est seulement à la librairie.
ALON : Mon ancien employeur estimait qu’on perdait au magasin les ventes que la personne sur le salon ne faisait pas ce jour-là à la librairie...
PL : Personne n’est indispensable ! Il faut avoir confiance en la capacité de ses collègues.
ALON : Parlons nouvelles technologies ! Quel est ton regard sur la numérisation des textes en général et la lecture sur liseuse en particulier ?
PL : J’y réfléchis pas mal, je n’ai pas encore trouvé de réponse. Je reste ouvert au sujet. Je suis fâché avec les médias qui tentent par tous les moyens de promouvoir les e-readers, par exemple France Inter pendant les fêtes. Les médias oublient les inconvénients de la liseuse : le format des fichiers, comment on peut faire la location ou la vente des fichiers, la pérennité du stockage (où sont nos cassettes et nos disquettes 3,5 pouces ?). Il est clair que si on m’offre un I-Pad avec la possibilité de télécharger des livres, ça me plaira. La génération actuelle des gros lecteurs n’est pas prête à ça. Les générations futures seront forcément sur la lecture numérique. Il ne faut pas être figé, il faut suivre le monde. Mais il faut aussi communiquer sur l’intérêt du livre. La question est de savoir si les libraires pourront vendre des e-readers. Pour un jeune qui a appris à lire sur écran, qui est sur Internet, qui twitte et « facebooke » toute la journée, la tablette est la suite logique. Mais quid de la place du libraire ?
Je suis assez favorable au numérique pour les essais : ça permet des compléments vidéo, des références vers des sites, etc. Mais pour le roman, je suis pour le support papier.
ALON : Il existe aussi des romans interactifs, avec des liens vers des sites, des vidéos...
PL : Oui, mais combien ? Pour le roman, je suis dans l’expectative.
(A suivre...)