"On naît libraire !" Interview de Pierre, 1
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Alors que nous discutions du travail en librairie, une amie auteure a constaté que très souvent, les auteurs méconnaissaient le travail du libraire. Pour remédier à ça, je vous propose quelques interviews de libraires spécialisés dans les littératures de l’imaginaire et adolescente, ou qui leur accordent une grande place dans leurs rayons.
Aujourd’hui (12 janvier 2012), c’est Pierre qui nous accueille au Préambule, une librairie généraliste, née du Pré en Bulles (spécialisée BD), à Bayeux (14).
ALON (À l’ombre des nénuphars) : Bonjour ! Présente-toi en quelques lignes : comment es-tu devenu libraire ?
PL (Pierre) : Par hasard !
ALON (rires) : Les réponses sont unanimes !
PL (rires) : Par hasard, par piston et par envie.
ALON : Dans l’ordre ?
PL : Dans l’ordre. Par hasard : j’étais dans la banque et j’en avais marre ; j’ai envoyé des CV un peu partout. La maison de la presse a été la première à répondre. Par piston : c’était un ami ! Par envie : j’ai trouvé l’idée de devenir libraire géniale. Ça a été un véritable changement de métier : des chiffres aux lettres ! Avec un nouveau métier que je ne connaissais pas.
(En se servant dans le sac en papier posé entre nous.) Et merci pour le pain au chocolat !
ALON : Présente-nous ta librairie en quelques lignes, celle-ci.
PL : Là, ici, maintenant ? Je pense que c’est une vraie librairie, pas un magasin mais un lieu de découverte, d’échange et de relations avec les clients. La priorité est de découvrir pour transmettre. C’est pour ça que j’ai souhaité venir ici. C’est une librairie indépendante, Patricia [la propriétaire, NdlR] a un côté militant : elle ne veut pas suivre les réseaux de distribution mais a ses choix personnels. Même si je trouve l’offre trop féminine.
ALON : Explique-moi ça ! Qu’est-ce que c’est, une offre féminine ?
PL : Que ce soit en BD jeunesse, en BD « hors jeunesse », en littérature jeunesse, le choix éditorial de Patricia est orienté « femmes ». Vincent a ajouté un choix plus masculin avec de la SF et de la fantasy. Et moi j’en ajoute en littérature, par exemple avec Sylvain Tesson.
ALON : Comment ça, Sylvain Tesson et la SF « c’est de la littérature pour hommes » ?!
(Rires) PL : La clientèle SF est essentiellement masculine. On a cette « patte » féminine dans les choix de Patricia, et elle a raison puisque pour une grosse part, ce sont les femmes qui entrent dans la librairie. De mon côté, il faut que je reste moi et que je réponde à la demande des hommes.
ALON : La librairie était auparavant une librairie BD et est devenue généraliste. Est-ce que la clientèle était féminine pour la BD ? Est-ce qu’elle a suivi la librairie après le changement ?
PL : L’ancienne clientèle a suivi et s’est élargie. Elle est différente de la clientèle que j’avais à la maison de la presse [à quelques dizaines de mètres dans la même rue, NdlR]. Je ne m’y attendais pas. Pas mal de clients que je connaissais ne sont pas encore venus ici. En général, les clients ici sont plus détendus : 99% d’entre eux arrivent avec le sourire et un vrai « bonjour ».
ALON : La clientèle « presse » est souvent différente...
PL : Complètement. Patricia est généreuse et ça se sent : les clients arrivent avec une attitude « ouverte ».
ALON : Quelque chose à rajouter sur les clients ?
PL : Oui ! Ici, ils sont plus militants : ils viennent chercher une vraie librairie et certains se refusent à mettre les pieds dans un espace culturel, quitte à faire 30 km de plus pour aller à Caen, où il y a aussi de vraies librairies.
ALON : Pourtant, en espace culturel, on trouve aussi des libraires.
PL : Toi et moi, on le sait, mais les clients pas toujours.