Les libraires à l'honneur : Jean-Marie ! (1/2)
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Alors que nous discutions du travail en librairie, une amie auteure a constaté que très souvent, les auteurs méconnaissaient le travail du libraire.
Pour remédier à ça, je vous propose quelques interviews de libraires spécialisés dans les littératures de l’imaginaire et adolescente, ou qui leur accordent une grande place dans leurs rayons.
Aujourd’hui (20 octobre 2011), c’est Jean-Marie qui nous accueille dans sa Cour des Miracles, une librairie BD dans une des rues les plus atypiques de Caen.
ALON (À l’ombre des nénuphars) : Bonjour ! Présente-toi en quelques lignes : comment es-tu devenu(e) libraire ?
JM (Jean-Marie) : Par hasard !
ALON : c’est une réponse que j’ai souvent entendue ! (Rires.)
JM : Cela veut dire qu’en général, on ne suit pas de cours pour ça. Moi, j’étais journaliste et j’interviewais un libraire, qui vendait des livres de collection, de vieux livres. J’animais une émission radio sur les gens qui ont fait leur métier de leur passion sur TSF98. À la fin de mon contrat, je ne trouvais pas de travail dans la région de Bernay, et sur un coup de tête, je suis parti à Caen.
Ce libraire que j’avais interviewé m’a proposé de travailler pour lui, puis de créer un nouveau secteur dans son magasin pour la BD en livres neufs. Au premier bilan, quand il a vu que le chiffre d’affaire triplait, mais que sa marge était bien plus faible que sur les livres d’occasion, il m’a proposé de récupérer ma clientèle et d’ouvrir mon propre magasin. (...) J’ai ouvert le 14 avril 1998.
ALON : Présente-nous ta librairie en quelques lignes.
JM : Tu peux le faire toi, tu la connais bien ! (Rires.) J’ai en magasin, je pense, environ 9000 titres. La librairie fait environ, combien... 25 m2 ? On est dans une rue piétonne.
ALON : Quelles sont les particularités de tes clients ?
JM : Quand ils entrent ici, ils enlèvent tous leurs habits socioprofessionnels et sont réunis par la passion de la lecture. Ils sont ici, je crois, comme dans un refuge. C’est la mixité qui est importante : on rencontre dans la librairie des gens à qui on ne parlerait pas dans d’autres circonstances.
Il n’y a pas de jeunes de moins de 18 ans qui viennent, ou très peu. J’ai l’impression qu’à part de rares exceptions, ils se fichent de la BD...
J’ai à peu près 2000 clients fidèles.
ALON : Comment as-tu découvert ton rayon de prédilection ?
JM : J’ai eu la chance d’avoir une famille où beaucoup sont dans l’éducation nationale. Du coup, j’ai pu lire des revues sur toutes mes passions, et des romans empruntés dans la famille. On n’avait pas de télé, pas de jeux vidéos (dis ça à des jeunes maintenant, ils vont avoir l’impression que c’est de la science-fiction !), donc je lisais. Il y avait de très belles bibliothèques, comme celle de Dives-sur-mer, avec de beaux rayons BD, avec un choix très large. À l’époque, le média BD était devenu plus « adulte », j’ai pu profiter de la BD dans une de ses très belles périodes. (...)
ALON : Lorsqu’un représentant te parle d’un livre, y a-t-il des critères précis ? Qu’est-ce qui fait que tu n’achèteras jamais tel ou tel titre, ou qui te feront craquer sans réfléchir ?
D’abord, pour voir des représentants dans sa librairie, il faut être une librairie de premier niveau, c’est-à-dire avec un chiffre d’affaire suffisamment intéressant pour justifier en partie le salaire, le déplacement du représentant jusqu’à chez soi. En plus, chez les éditeurs, il y a tant de changements de représentants qu’il devient difficile de connaître les gens.
Je choisis les titres en fonction de ma connaissance des auteurs et de la BD, de ce dont je me souviens des ventes. Ça peut être aussi en fonction de mon public, et là, je fais des paris sur les quantités. Par exemple, ce titre : Portugal, de Pedrosa (collection Aires Libres de chez Dupuis). Je sais que ça va cartonner ici parce que c’est un de mes coups de cœur et donc que je peux en vendre beaucoup, mais qu’il va être très vite en rupture, d’autant qu’on approche de la fin de l’année : donc j’ai commande beaucoup pour être le seul à en avoir encore quand les autres se trouveront en rupture.
ALON : Comment fais-tu pour promouvoir les nouveaux auteurs ?
JM : Là aussi, c’est au coup de cœur.
(À suivre ! Avec en prime un bonus...)