Romans d'anticipation (1/3) : honorez-vous Gaïa ?
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Sous l’œil amusé d’un robot poète, le fracas des vagues appelle Mikhaïl, tandis que les prêtres font l’apologie de la décroissance au nom de Gaïa.
Laissez votre curiosité l’emporter...
Quatrième de couverture
"Gaïa, malgré notre bassesse et notre malfaisance, a eu pitié de nous. Des terres que nous avions rendues stériles, Elle a fait surgir de resplendissantes fleurs. Elle nous a envoyé ses
messagers, les prophètes Ubik et Florem et leur armée de serviteurs qui nous ont aidés à construire les phalanstères, ces arches de paix et de liberté où nous sommes choyés comme des princes.
Oui, en vérité je vous le dis, par saint Joseph-Proudhon, saint Charles-Fourier, saint James-Lovelock et tous les autres saints de la Floraison, il n'est pire pécheur que celui qui tourne le dos
à notre Bonne Mère.
Gaïa a instillé la Peur en nous pour qu'elle nous détourne de l'Extérieur. La Peur est un mal nécessaire. Elle nous rappelle à tout moment que la liberté physique est une illusion. Que représente
en effet cette insignifiante liberté en comparaison de celle de projeter notre esprit où nous le désirons ?
En pensées seulement tu voyageras. Le rêve rend libre, mes chers frères et sœurs, n'oubliez jamais cette sainte maxime, le rêve rend libre."
Mon avis
Une fois n’est pas coutume, j’ai d’abord été attirée par la couverture que je trouvais très belle, qui me rappelait, de par sa délicatesse et sa force, certaines estampes japonaises. En prenant
le livre, j’ai apprécié la texture soignée de la couverture ; en le feuilletant, je suis tombée sous le charme de la maquette soignée.
En lisant la quatrième de couv’, j’étais déjà convaincue que j’allais l’acquérir et le lire.
Et cela, sans compter la tirade fort amusante de l’auteur qui, en plein festival Zone
Franche, n’a pas hésité à utiliser les arguments les plus vils et les plus drôles pour « m’achever ».
Bien m’en a pris.
D’un côté, on a la vie dans toute sa splendeur, et la jouissance du confort procuré par les technologies avancées. De l’autre côté, on expérimente la décroissance de l’espèce, enchaîné par ces
mêmes technologies... Un point commun : des « maîtres de vie », comme des gourous personnels peu amènes. Ce livre nous fait vivre deux univers, deux ambiances, sans que l’on comprenne vraiment si
ces deux mondes vont se croiser, ou comment ils pourraient se croiser.
Une des forces de ce texte me paraît être dans la cohérence de ses personnages. Dès les premières pages, je n’avais pas envie de quitter Mikhaïl et son robot poète, engagés dans des joutes
oratoires avec le fracas des vagues en bruit de fond ; a contrario des espaces immenses où ces deux-là évoluent, l’atmosphère étouffante du lieu de vie de Cassius et Inako a fait naître en moi
des bouffées de claustrophobie. À bien y réfléchir, l’illustration de couverture est tout à fait réussie et rend parfaitement cette dualité.
L’autre point fort consiste en l’intrigue socio-politique : l’auteur, plutôt que de dénoncer à grands coups de phrases sentencieuses, a pris le parti – risqué peut-être, mais efficace –
d’utiliser les idées politiques extrémistes comme fondements de cette société. En cette période de campagne électorale, ça fait du bien de lire un texte politique (au sens étymologique du terme)
intelligent.
J’ai dévoré le roman, impatiente que j’étais de comprendre, d’accompagner les personnages principaux au bout de leurs quêtes. J’ai hélas été un peu déçue par ce qui constitue, finalement, un des
éléments cruciaux du dénouement, parce que pas convaincue. Toutefois, cela n’est pas un élément « bloquant » !
Je vous conseille donc vivement la lecture de ce très beau roman d’anticipation.
Informations complémentaires
ISBN 978 2 35477 025 9 // Prix 12€ // 256 p.
Illustration de couverture : Samuel Rivière ; graphisme : Frank
Vriens
Diffusion et distribution : Lokomodo