Gertrude et les clients : M. Grosnaze

Mercredi, fin d'après-midi. La nuit tombe.

Dans le magasin, quelques clients qui s'attardent au chaud.

 

La porte d’entrée automatique s’ouvre dans un « pschhhhh » ; elle laisse entrer le froid, une rafale humide et un grand escogriffe dans une combinaison de moto trempée.
http://www.clipart-fr.com/data/clipart/animaux/animal_058.gif« Bonjour monsieur !
– C'est pour mon livre.
– Une commande ? Oui, c’est à quel nom ?
– Grosnaze. »

 

(Vous comprendrez que pour des raisons de confidentialité, je me dois de ne pas révéler son véritable patronyme.)

 

Le temps de vérifier si son livre est arrivé sur l’écran du PC, un petit appel au collègue en réserve pour qu’il l’amène, le collègue arrive en courant (le service client, c’est sacré) et me tend le livre, que je saisis, scanne, tout comme je scanne la revue sur les éruptions solaires que M. Grosnaze a posée sur le comptoir tout en disant : « Je veux appeler chez moi pour avoir le titre d’un livre à commander pour ma fille, pour l’école ».
 

 

Tiens, pensé-je, un client poli qui demande la permission pour appeler sur son portable.

 

« Cela fera 12,20 euros s’il vous plaît.
– Je veux appeler chez moi pour avoir le titre. »

 

Tout en répétant, il lorgne le combiné derrière moi.

 

http://alecole.educ.cg86.fr/tice/IMG/png/grenouille.pngSoudain, le doute m’assaille.
« Quand vous dites « appeler chez vous », vous voulez dire...
– Ben, appeler de votre poste ! »
Le temps que cette demande à mon avis trop gonflée pour être réaliste parvienne à mes petits neurones, il enchaîne d’un ton cassant et en s’approchant de moi :
« De toute façon, ça ne vous coûte rien, vous passez par Internet ! Et en plus, vous avez déjà appelé chez moi pour dire que la commande était là ! C’est pas logique votre système !
– En effet, l’appel pour prévenir de l’arrivée de la commande fait partie du service.
– Alors, ça vous coûte rien ! C’est n’importe quoi ! »

 

Je décide de ne plus écouter ses arguments et de continuer à encaisser les autres personnes dans la file d’attente. « Bonsoir, ça fait tant, au revoir et bonne lecture Madame ! » « Bonsoir monsieur, ça fera tant, passez une bonne soirée ! » « Bonsoir, ah oui il fait meilleur ici, XX euros s’il vous plaît, bonne fin de journée et restez bien au chaud ! »
(Vous remarquerez la diversité dans mes échanges avec les clients.)

Tout en enchaînant les encaissements, je m’interroge sur la marche à suivre avec M. Grosnaze qui continue à s’agiter à côté de moi tout en m’invectivant et en précisant qu’il en parlera au patron. Ça m’arrange, ce serait un moyen plus sûr de trancher cette histoire. Je l’invite à repasser le lendemain pour effectivement parler de tout ça au patron.

 

Une fois le dernier encaissement passé, d’une main je tente de retrouver son dossier sur l’autre PC, afin de voir s’il est un client régulier et s’il ne va pas en profiter pour appeler son oncle d’Amérique ou son kangourou en Australie... De l’autre main, je reviens sur l’écran où j’avais commencé son encaissement :
« Cela fera donc 12, 20 euros pour aujourd’hui, monsieur, puisqu’on ne fait pas payer les commandes en avance... »
Il me coupe en hurlant : « Ça suffit ! Je ne la prends pas, ma commande ! » tout en marchant à grands pas vers la sortie.


Sur le comptoir, son livre attend sagement.
La revue n’y est plus.
« Monsieur ! Attendez ! La revue, le Science et vie...
– Je sais pas si c’est parce que vous avez vos règles ou quoi, mais vous y mettez vraiment de la mauvaise volonté ! »
Et le voilà parti.
Je recompte la pile d’où il avait pris la revue.
http://www1.bestgraph.com/cliparts/animaux/grenouille/grenouille-11.jpgBien sûr, il en manque une.

Une fois seule dans le magasin, une fatigue immense tombe sur mes épaules. Mes mains tremblent un peu.

Le lendemain, je raconte tout ça à mon responsable. M. Grosnaze étant un client très régulier, c’est ennuyeux. Toutefois, il met mal à l’aise pas mal de monde. Ouf.
Mon responsable l’a appelé pour lui expliquer que, oui je suis nouvelle et fais bien de ne pas laisser les clients téléphoner chez eux depuis notre ligne, que non je ne savais pas qu’il était un client régulier, et que tout de même, des excuses seraient les bienvenues.

M. Grosnaze n’est pas repassé.

R
<br /> Oh, pour ce qui concerne le corps médical, je préfère ne rien savoir. Déjà que j'ai du mal à le fréquenter... ^^<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Héhé ! Il doit y avoir des "blogs défouloirs" de médecins, je suppose. Mais je n'ai pas le coeur assez bien accroché pour tenter de les parcourir !<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Je crois vraiment que les commerçants en voient de toutes les couleurs. Même dans la boutique où je me fournis en tissus, l'une des vendeuses m'a raconté des trucs pas possibles.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Et le pire, ce n'est pas un commerçant qui me l'a raconté.<br /> <br /> <br /> C'est une gynécologue.<br /> <br /> <br /> No comment.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Je crois qu'il atteint son sommet de gros naze (misogyne en plus) avec son "Je sais pas si c’est parce que vous avez vos règles ou quoi"…<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> J'avoue avoir pensé porter plainte pour propos mysogines et infâmants (je n'ai pas tout retranscrit), histoire de le calmer.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> ma pauvre petite, je te souhaite bien du courage. Grosse bizz.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> A toi aussi, tu dois avoir un peu les mêmes, non ? ;) Bisouuus !<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Quel naze ce grosnaze ! C'est vraiment dur de gérer ce genre de gens quand on leur doit un respect dû uniquement à l'ouverture de leur portefeuille... Bon courage !<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Bah, comme le disait Pierre, ils sont rares de cette sorte-là !<br /> <br /> <br /> <br />
Personnaly © 2014 -  Hébergé par Overblog