En attendant l'Apocalypse 2/2

  • A l'ombre des nénuphars
  • Livres

http://www.editions-nostradamus.com/medias/images/img-couv-apo-prov.jpg?fx=r_550_550(Suite de la chronique précédente.)

 

On commence, très fort, par un pressentiment, « L’attente » de Narja O. Naryoël : l’ambiance est sombre et dérangeante, comme pourrait l’être celle d’un texte de Lovecraft, parce qu’on oscille entre réalité et folie – mais est-ce bien de la folie, ou une dimension de la réalité que nous ne percevons pas tous ?

 

On continue par « De la veille au lendemain », de Maëlig Duval : bien loin de la poésie de L’Après-Dieux, Maëlig Duval raconte avec une plume décapante le quotidien d’une jeune femme ordinaire, un peu paumée mais pas tellement plus que la moyenne, dans un appartement normal, dans une ville qui pourrait être la vôtre. Ici, pas de pouvoir surnaturel, rien que la normalité… et le constat épouvantable que peut-être, l’humain porte cette fin du monde en lui.

 

La troisième nouvelle, de Louise Roullier, a pour titre optimiste « La fin du monde n’aura pas lieu ». Son héros est un scientifique perdu au fin fond du Texas, décidé à prouver à l’humanité que cette fin du monde annoncée avec virulence par un prédicateur au charme hypnotique n’est qu’une vaste fumisterie… tandis qu’un astéroïde fou se précipite vers la Terre.

 

Un air de bit-lit souffle sur la nouvelle d’Aurélie Wellenstein, « Le gouffre ». On prend un drôle de plaisir à suivre son héroïne qui imagine lutter contre l’engloutissement du monde à grands coups de bazooka, accompagnée d’un scientifique (là encore) décidé à comprendre quel virus a bien pu « déranger » les habitants d’un village.

 

Dans « La Dame noire des puys » d’Aodez S. Bora, on revient en France, au cœur du Massif Central, et l’on découvre comment certains lieux ont le pouvoir de protéger les humains. Le sort du personnage principal et de son compagnon est réellement touchant.

 

On revient à la tendance bit-lit avec l’héroïne de David Baquaise, qui affirme que « La fin du monde s’est jouée dans une cabine à UV » : un peu d’ésotérisme, beaucoup d’action, une fin très ouverte… ça décoiffe !

On continue avec, cette fois-ci, « Le poison » de Cassandra Amand : sur fond de désespoir et d’empoisonnement général, l’auteur a imaginé une histoire d’amour émouvante et terrible. Un texte à deux voix qui m’a bouleversée.

 

On continue avec les textes dans lesquels le monde s’écroule, et cette fois, c’est un morceau de space opera sympathique : « Adaris » d’Alister, qui y a mis les ingrédients nécessaires à un bon texte de science-fiction. Des scientifiques, des extra-terrestres, des vaisseaux, une histoire d’amour… et une théorie sur la fin de l’humanité qui est terrifiante.

 

Cyril Carau reste les deux pieds sur Terre et plonge dans les recoins les plus cyniques d’un personnage comme on peut en croiser tous les jours : « Un monde assassiné » présente une course contre la montre, un marathon d’un homme – porté, lui aussi, par son amour – qui fait face aux conséquences de ses propres choix en exterminant des humains dégénérés et tout un cycle naturel déglingué. Pour répondre à la dédicace : effectivement, cette nouvelle peut provoquer des cauchemars !

 

Le héros de Manon Bousquet ne combat pas de zombie, ne résout pas d’équation insoluble, ne navigue pas dans les étoiles. Il découvre simplement que pour les autres, il est invisible. Un exercice de style bien mené, qui m’a par moments rappelé l’ambiance trouble du Horla de Maupassant.

 

On continue à explorer la survie avec « Ciel de plomb », de Frédéric Czilinder. Pari périlleux que d’être à la fois anthologiste et auteur dans l’anthologie ! Il m’avait prévenue : son texte ne comptait pas parmi les optimistes. En effet : sa nouvelle nous plonge dans les carrières dont l’évocation m’effrayait, petite ; en lisant, je ressentais les effets du mistral et je découvrais ma région natale dévastée. Un texte étonnant, sans espoir, et malgré tout une grande force dans son personnage.

 

Après celui-ci, le texte d’Inbadreams, « Oh, merde ! » offre un souffle joyeux ! La nouvelle est très documentée et vous permettra de concevoir un lieu de survie en parfaite autarcie pour quelques années… et peut-être que, comme le personnage principal, aurez-vous une sacrée surprise ! Un texte fort amusant et finalement optimiste.

 

Ce que n’est pas celui de Jérôme Rigall, qui nous présente « Les notes du professeur Tubbleton (récit amoral des derniers hommes) ». Cet auteur en général plus porté sur la fantasy semble avoir pris ici un malin plaisir à faire tout ce qu’il s’est interdit dans ses romans : les premières lignes de la nouvelle nous font partager un moment d’intimité rare en littérature puisque l’on surprend son héroïne, des feuilles à la main, en pleine défécation. Une nouvelle fois, c’est une nouvelle à deux voix : celle de la jeune femme, qui nous fait partager son existence animale, dure ; et celle d’un professeur, qui a consigné ses observations et ses craintes sur le papier. Un reproche sur ce texte : les envolées du professeur, par trop moralisateur, ralentissent le rythme général. Heureusement, là aussi, la fin m’a remuée et surprise.

 

On revient à une ambiance de science-fiction avec Sylvain Boïdo qui nous parle de la « Planète Bleue », à travers les derniers espoirs et les amours désespérées d’une poignée de scientifiques décidés à risquer le tout pour le tout pour sauvegarder la vie de leur espèce. Un très beau texte dont je ne peux rien dévoiler de plus (cela gâcherait le plaisir de la découverte), et qui m’a donné très envie d’aller dénicher d’autres œuvres de ce jeune auteur.

 

Jusqu’à présent, les nouvelles nous ont présenté différentes fins du monde : virus, astéroïde, catastrophe écologique… Romuald Herbreteau a choisi, lui, une « Hamburger Apocalypse » : ses personnages principaux, ronds et gras comme des hamburgers, rappellent les humains inaptes et déformés du film d’animation Wall-E… mais n’ont pas le même avenir du tout. Un texte un peu court, qui aurait mérité d’être plus développé par endroits.

 

Et si l’Apocalypse se déroulait ainsi que le prédisent les Saintes écritures ? Nicolas Saintier, dans « L’Eternel et le Néant », nous fait partager la déconvenue du Néant qui, à l’heure prévue, ne trouve rien à détruire… Une touche épique, une très belle écriture, et également… un grand éclat de rire !

 

On termine avec, paradoxalement, « Au commencement » de Marianne Gellon. Davantage qu’une nouvelle, c’est un instantané, comme la photographie d’un monde moribond, que l’on découvre par les yeux de Seth et d’Eva ; en quelques pages, l’auteur nous plonge dans un paysage post-apocalyptique terrible et beau à la fois :

« Zébrure étincelante sur le ciel en furie, sanglante aquarelle issue des tréfonds de l’imagination d’un peintre illuminé.(..) à coups de pinceau bien ajustés, l’artiste dément a tracé des nuages aux formes torturées d’une noirceur abyssale. On dirait de gigantesques tours, cyclones immobiles, surplombant le monde à l’agonie drapé d’un crépuscule éternel. » (p. 241).

Un choix excellent pour clore cette anthologie… et ouvrir sur d’autres horizons ; ce texte a très naturellement inspiré l'illustratrice.

 

Pour ne rien gâcher, l’objet livre a une maquette classique, mais efficace (avec même un sommaire indiquant les numéros de pages, si, si), pas de coquille, un rappel de l’auteur et du titre de la nouvelle dans les en-têtes… mais, allez-vous me dire, ce n’est pas ça qui nous intéresser. Je vous répondrais qu’à 15,50€, le fait que l’objet soit bien conçu est vraiment une bonne surprise.

 

Pour conclure

Une anthologie de très bonne qualité, des auteurs aux ambiances et aux styles hétéroclites, pour vous faire patienter de façon agréable d’ici la fin du monde à la façon d’un calendrier de l’Avent... Bravo aux éditeurs pour cette sélection !

 

Informations complémentaires

200 x 130 mm – 256 pages

ISBN : 978 2 9529994 8 9 – 15,50 €

Parution le 20 octobre 2012

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