Gioconda de Nikos Kokantzis aux éditions de l'Aube
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Au mois de mai, grâce à mon emploi d’alors, j’ai visité une quinzaine de librairies en Loire-Atlantique. J’ai été forte, j’ai pensé au déménagement à venir et à mon compte bancaire, et je n’ai pas acheté de livre.
Sauf un. Il en fallait un, bien sûr. Mais c’est excusable : c’est un petit format, le récit d’un auteur grec qui raconte l’été de ses quinze ans, en pleine Seconde Guerre mondiale. Donc…
Le mot de l’éditeur
Né à Thessalonique en 1930, Nìkos Kokàntzis découvrira l’amour avec Gioconda en 1943. Juive, celle-ci sera déportée à Auschwitz... et n’en reviendra pas. En 1975, Kokàntzis décide de raconter leur histoire d’amour, pour que Gioconda revive à travers ses mots.
Mon avis
Ce texte fait revivre une période peu évoquée dans la mémoire collective : le génocide des Juifs qui vivaient autour de la mer Égée depuis des siècles. C’est dans la ville de Thessalonique, laquelle avait accueilli de nombreuses familles chassées d’Espagne au XVe siècle, que les nazis avaient installé leur siège pour l’occupation de la Macédoine grecque (le reste de la Grèce étant occupé par l’Italie et la Bulgarie). On estime que 98 % des Juifs de Thessalonique ont été tués au cours de la Shoah. Aujourd’hui ne subsistent que de rares traces de leur présence et de leur importance culturelle. Il a fallu attendre 2014, soit 70 ans, pour que soit inauguré un monument rappelant l’emplacement du cimetière juif détruit lors de l’occupation nazie et où a été construite l’université Aristote.
L’auteur fait revivre cette période en décrivant les aléas du quotidien par touches habiles, l’apparition du café aux pois chiches, l’arrivée d’officiers allemands dans les maisons, les traits qui se creusent au fil du temps du fait de la faim et des privations. Et toujours, l’histoire avec Gioconda qui rend l’insupportable supportable et emplit sa vie.
C’est peut-être pour lutter contre cette éradication de la mémoire que Nikos Kokantzis a voulu rédiger ce texte. Un superbe témoignage d’amour, de ces amours folles et passionnées que l’on peut vivre quand on a quinze ans et qu’on découvre cet univers jusqu’alors inconnu, voire interdit. Leur passion fusionnelle en pleine occupation et avec la menace de la dénonciation et de la déportation en décor de fond est décrite avec naturel, puissance et émotion. L’auteur souhaitait rendre hommage à sa Gioconda et immortaliser leur histoire brisée par la folie des adultes, il a participé également à la mémoire collective.
Extrait
« Pendant ces années de l’Occupation, d’ailleurs, nous avions appris à nous contenter de peu. (…) Dans les étroites limites qui nous étaient fixées, nous avions réussi à fonder un nouveau système de valeurs, qui donnait au moindre événement des dimensions à part. (…) Pour notre amour, c’était la même chose. Ces rencontres cachées, hâtives, dans l’inconfort et l’inquiétude, ne duraient jamais plus d’une demi-heure. Mais dans ce temps si bref se concentraient le plaisir et l’émotion d’heures et de jours entiers qui, nous ne le savions pas encore, allaient donner un sens à notre vie, et remplir le vide laissé par mon amie quand elle serait partie à jamais. »
(p. 71)
Informations complémentaires
Gioconda, de Nikos Kokàntzis
Traduction : Michel Volkovitch
http://www.editionsdelaube.fr/catalogue/gioconda
Éditions de l’aube, distribution Harmonia Mundi
Collection Aube poche littérature
Date de parution : 16/08/12
128 p. dimensions 170x110 mm – format poche
6,80 €
ISBN : 978-2-8159-0644-9 – EAN : 9 782 815 906 449