Innamo, d'Aïsa
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Une très belle couverture, intrigante et au pouvoir sensuel très fort ; une nouvelle maison d’édition, avec un nom évocateur de Grèce antique, de révolte et de prise de contrôle par les femmes de leur vie ; et une 4e de couverture qui révèle l’ambiance sans ruiner l’intrigue : cela faisait trois bonnes raisons pour découvrir Innamo, écrit par Aïsa et publié aux éditions Les Amazones.
Le mot de l’éditeur
Une ceinture marron cintre sa longue veste, Innamo la caresse au travers de ses gants de cuir. Adossée aux pierres froides d’une façade, elle observe le groupe de marginaux plus loin. L’un d’entre eux se détache, elle s’avance et l’embrasse. Quelque chose glisse de main en main, et ses talons claquent déjà sur les pavés.
Sculptrice sur marbre nourrie d’une passion pour les femmes, Innamo détonne dans le milieu de l’ombre. Elle sillonne la capitale avec son amante en perfecto et un trentenaire dandy jusqu’au jour où elle est témoin d’une scène qui lui retourne la poitrine. À nouveau propulsée dans un monde orageux, Innamo trébuche entre les bourrasques. Des adolescentes tristes ou pétillantes sur les trottoirs, un photographe de nus monochromes, un tatoueur efféminé aux lèvres écarlates, une bourgeoise inconnue et un précieux frère de rue se croisent dans un tourbillon mortifère.
Mon avis
De par l’amour qu’Innamo porte aux femmes, ce titre semble figurer en bonne place dans les salons et librairies LGBT ; toutefois, ne vous y trompez pas : on n’est pas dans une romance lesbienne, mais bien dans un roman noir, avec un contenu social très fort.
Ainsi, Aïsa nous plonge dans le milieu de la nuit, ainsi que dans les coulisses de la drogue et du trafic humain. On patauge dans les bas-fonds parisiens, mais on fait un tour également en Italie (je suis curieuse d’en savoir davantage sur le passé et… le futur d’Innamo là-bas) et en Russie. L’intrigue est bien ficelée, et nous réserve quelques surprises ; les personnages sont bien campés, qu’il s’agisse d’Innamo ou des personnages secondaires (notamment les enfants du camp gitan) : chacun avance avec son histoire, ses failles, ses rêves. Des zones d’ombre subsistent pourtant, juste assez pour donner envie de lire la suite. Chacun d’eux – Innamo, ses amis Mark et Emy, le couple touchant et impossible Coelo et Olympe, le père et le fils Raphaël et Diego, et même Nino que l’on ne voit que trop peu – mériterait une analyse poussée tant l’autrice leur a donné une personnalité forte. Toutefois, Innamo possède un charme magnétique incroyable, elle qui se montre intraitable et dure dans les affaires, et si passionnée quand il s’agit de sculpter et d’aimer.
Le roman est très bien structuré, avec une lecture à plusieurs niveaux ; certaines scènes comme celles où Innamo est emportée par son acte de création sont superbes. Au-delà des ingrédients classiques du roman noir (milieu marginal, personnages à l’histoire trouble, volonté de justice très forte de la part du héros), on a également une structure narrative particulière : alors que progresse son enquête (et sa quête), jusqu’à la création finale, un « rêve » de l’héroïne se dévoile phrase à phrase, au fil de l’avancée dans le roman tandis qu’en parallèle, Innamo révèle en la sculptant la forme cachée dans un bloc de marbre brut (au cours de scènes très puissantes).
J’ai terminé ma lecture le cœur gros : le destin de certains personnages est bouleversant, d’autant plus qu’Aïsa touche juste grâce notamment à la foule de détails qui rendent le récit crédible. Autant l’avouer, je suis tombée amoureuse d’Innamo, au point de ralentir ma lecture pour reculer le moment de quitter cette sculptrice à l’âme meurtrie, dure comme de l’acier forgé. Un très beau roman pour cette jeune maison d’édition.
Les premières lignes
« De la suie sur les mains, Innamo repoussa le morceau de bois brûlé vers le feu. En enlevant son débardeur, elle dévoila son torse sous le crépitement des flammes. Des muscles s’y entrelaçaient, sculptés par la nervosité qui l’accompagnait comme son ombre.
Son regard fiévreux se posa sur le bleu qui marquait son aine. »
Informations complémentaires
Innamo, tome 1 : Dessein de rouille, d’Aïsa
Éditions Les Amazones
https://editionslesamazones.com/
18 euros – 304 pages – 14 x 21 cm
EAN 9791094907009 (commande possible directement depuis le site de la maison d’édition)