La Vague montante, Marion Zimmer Bradley

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La technologie envahit tout ! La preuve : plutôt que de discuter de livres autour d’un bon thé dans un endroit cosy, vous et moi le faisons par écrans interposés grâce à câbles, satellites et autres serveurs réseau… Dans son épopée La Romance de Ténébreuse, Marion Zimmer Bradley s’est interrogée sur la place de la technologie dans nos vies en faisant évoluer les descendants d’un crash spatial sur une planète dénuée de tout métal. Elle avait abordé dès 1955 dans une très belle novella rééditée par Le Passager clandestin dans sa collection Dyschroniques : La Vague montante.

Le mot de l’éditeur
L’équipage du Homeward, descendants de l’équipage naufragé du Starward, premier vaisseau stellaire, a réussi son retour d’Alpha du Centaure vers la planète-mère, la Terre, après 130 années humaines... équivalentes à cinq siècles de contraction espace-temps ! Après une telle séparation, ils s’attendent à trouver sur Terre une technologie surdéveloppée et une humanité colonisatrice d’autres planètes. Mais la désillusion est grande : le concept de nations n’existe plus, le fédéralisme et l’autogestion régissent la prise de décision collective, la science semble avoir disparu au profit d’une économie primitive fondée sur la commune et l’agriculture, et le véritable progrès est celui de l’épanouissement humain. Mais la réalité est à la fois plus simple et plus complexe.

(…) Lire ce texte aujourd’hui permet plus que jamais de mettre en lumière notre dépendance et notre fascination – proche du fanatisme – à l’égard de l’idée de « progrès technique » : tandis que tout ce que la science rend possible est aveuglément (et massivement) mis en œuvre, ce texte remet les pendules à l’heure en imaginant une humanité qui ne serait plus au service de la technologie qu’elle a créée. Alors que ces questions commencent à peine à s’imposer dans les débats politiques et médiatiques, il est passionnant de redécouvrir l’engagement idéologique et philosophique de Bradley, et de mesurer ce qui le sépare du tout venant – belliqueux ou simplement divertissant – de la SF américaine des années 1950.

Mon avis
On est plongé dans les événements du point de vue du commandant du Homeward : né et élevé sur une planète colonisée par les survivants d’un crash de vaisseau interstellaire, la technologie constitue toute sa vie – et son futur. En une erreur que bien de nos contemporains commettent, il confond niveau de connaissances et applications technologiques avec la civilisation. Marion Zimmer Bradley a imaginé une humanité qui a appris de ses erreurs, et qui a réfléchi à la place que doit avoir la technologie afin de rester utile sans devenir encombrante pour l’Homme ou néfaste pour l’environnement. En lisant son récit, je n’ai pu m’empêcher de penser au projet Telaithrion en cours sur l’île d’Evia (Eubée) en Grèce.
Un seul point semble décalé : la place donnée aux femmes dans cette société post-technologique. Alors qu’hommes et femmes sont égaux dans l’équipage venu d’Alpha du Centaure, sur Terre les femmes restent à la maison à s’occuper des enfants, sans que l’on parvienne à savoir si l’auteure voit là « la place naturelle des femmes » ou un retour d’archaïsme. En effet, Marion Zimmer Bradley, vingt ans après, sera l’auteure en vue des mouvements féministes aux États-Unis, notamment grâce à sa trilogie des Amazones (dont le très beau La Chaîne brisée) dans laquelle elle dénonce les carcans sociaux imposés aux femmes.
Un style épuré, une intrigue légère, des personnages bien campés qui vivent un choc culturel et technologique : la recette est simple, mais efficace ; et le sujet abordé est tellement d’actualité qu’on oublie le demi-siècle qui nous sépare de la première édition de cette novella.

La Vague montante, Marion Zimmer Bradley

Extraits
« Brian rassemblait en esprit tous les arguments avancés par les Premiers pour justifier la nécessité des voyages interplanétaires :
— Et que faites-vous du surpeuplement ? De la diminution des ressources alimentaires naturelles ?
Le rire de Frobisher résonna avec force dans l’obscurité :
— Même les barbares n’espéraient sûrement pas trouver des denrées comestibles sur Mars ou sur Vénus ! Les voyages interstellaires auraient peut-être résolu ce problème, mais à un coût prohibitif. (…) Ils ont dû comprendre alors que leurs ressources pouvaient être gérées avec plus d’efficacité sur Terre. Et penser en termes de coûts et de profits humains, ça nous a aussi débarrassées des guerres. Il n’a pas fallu longtemps pour devenir adulte.
» (p.66-67)

« Ces barbares stupides et primitifs, entassés dans leurs villes qui ressemblaient à des caves mécaniques, tapis derrière du verre et de l’acier, et n’ayant plus pour voir le monde environnant que les yeux des écrans de télévision ou les fenêtres de leurs appareils aériens ! Et pour fabriquer tout ça, être entassés dans d’autres caves, avec des odeurs puantes, des écrous et des boulons, ne jamais voir ce qu’on fabrique, pas de fierté ni de talent ! (…) Des masses d’individus pour de la production en masse (…) ! » (p.123)

Alerte
Je profite de cette chronique pour attirer votre attention sur la situation difficile que traverse Le Passager clandestin. À défaut de pouvoir leur donner les presque 9 000 € qui leur font encore défaut à ce jour, je ne peux que vous encourager à découvrir leurs ouvrages et à en parler autour de vous.

Informations complémentaires
La Vague montante, de Marion Zimmer Bradley
Traduction : Élisabeth Vonarburg
Éditions Le Passager clandestin, collection Les Dyschroniques
Diffusion et distribution : Pollen
Prix : 8 €
Format : 110x170mm
Pages : 144 pages
ISBN : 978-2-916952-97-0
Date de parution : 21 octobre 2013

Bonus
Vidéo du projet Telaithrion

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