Interview : Paola Grieco, éditions Gulf Stream 2
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Suite de l'interview de Paola Grieco, directrice éditoriale des éditions Gulf Stream
Question : Quelle serait une année « type » ? (avec sa saisonnalité, ses événements, etc.)
Réponse : Une année type, c’est plus simple à dégager qu’une journée type ! On produit des documentaires liés à la nature entre février et avril ; on se cale sur les fêtes de fin d’année pour les albums, même si on en produit peu ; ce qui est compliqué depuis 2012 avec les séries est de les lancer tout en alimentant les séries existantes. Au-delà de l’événement sur lequel tout le monde se rue, on essaie de trouver des événements différents, par exemple lors de l’année de la chimie, on a publié des ouvrages sur Marie Curie. J’essaie d’avoir des publications cohérentes, et on suit l’actualité liée plutôt à l’école. En gros, au 1er semestre on publie davantage de fictions, et au 2e semestre on est plutôt documentaires et albums.
Désormais, on honore tous les mois d’offices, au rythme de deux offices par mois, et on a une vingtaine de titres par an.
Question : Quelles perspectives d’évolution votre poste offre-t-il ? Avez-vous un objectif précis d’évolution à moyen terme ?
Réponse : Tel quel, mon poste n’a pas d’évolution possible, si ce n’est la direction adjointe ou générale ; cela dépend bien sûr de la taille de la structure. À terme, j’aimerais être davantage impliquée dans la gestion de l’entreprise, en plus de la direction éditoriale. Là, je suis en partie héritière du catalogue trouvé quand je suis arrivée, et je le fais évoluer en fonction de ma personnalité, même si j’ai toujours voulu rester en adéquation avec l’esprit de la maison tout en la rajeunissant et en développant de nouveaux axes.
J’ai d’autres envies, pas forcément en jeunesse, comme de créer un 2e département, peut-être plus adulte ou plus BD, au sein de la maison d’édition, dans le cadre d’un développement global de la maison d’édition. J’aimerais bien explorer d’autres territoires…
Question : Quels types de contacts avez-vous avec les autres métiers du livre, comme les libraires, et bibliothécaires ?
Réponse : Le contact avec les librairies est assuré surtout par le directeur commercial ; moi, c’est plus rare. En ce moment, nous cherchons à resserrer les liens avec les librairies du réseau Sorcières ; le 24 avril, nous allons à Lyon pour un petit déjeuner éditeur avec les libraires ; d’autres événements vont suivre à Bordeaux et Lille pour rencontrer les libraires et pour recueillir leurs avis sur l’actualité du métier de libraires, la production en jeunesse et pour mieux définir l’image de Gulf Stream, davantage liée à des collections qu’à une maison d’édition. (…)
Nous entretenons de bons contacts avec les bibliothécaires via la structure de diffusion dédiée à l’école, qui a sa propre équipe de représentants ; je fais parfois des interventions auprès d’eux, des journées de présentation de la maison d’édition ; j’interviens par le biais de documentalistes et bibliothécaires auprès d’établissements scolaires, souvent des collèges, sur le métier d’éditeur et sur comment on réalise les ouvrages. En parallèle, quand j’ai le temps, il y a une action que j’aimerais multiplier : une professeure de français a pris l’initiative de la mise en place d’un projet pédagogique avec sa classe de 3e. La classe lisait des manuscrits, devait en faire une lecture critique, assurer la rédaction de la 4e de couverture et rechercher un titre. Afin de les encourager dans ce travail de « pionniers », nous avons constitué un jury dont les membres sont la professeure, l’auteur du manuscrit et moi-même. À nous 3, nous avons évalué la production de ces élèves, qui faisait l’objet d’un concours avec un(e) gagnant(e) et un(e) dauphin(e). Ça leur fait voir une autre façon de travailler les textes et la lecture. C’est chronophage, mais très intéressant.
Question : Gulf Stream édite également des livres numériques au contenu enrichi. Quel est votre retour sur l’édition numérique ?
Réponse : Nous avons en effet développé une application IPad liée à la série Ma planète préférée avec un contenu mixte : l’ouvrage et des jeux ; on ne l’a fait que pour IPad pour des raisons de budget. Les ventes n’ayant pas suivi, on n’a pas développé d’autres applications… l’aventure numérique n’a pas pour le moment été un succès. Toutefois, tous les ouvrages de fiction sont vendus en epub ; et en 2015 on lancera des livres epub enrichis, par exemple avec de la musique.
Question : Sur quelles autres problématiques souhaiteriez-vous insister ? Quels sont les sujets que nous n’avons pas abordés et qui vous paraissent importants ?
Réponse : La problématique de l’international qui pourrait être source de revenus supplémentaires pour les auteurs et les éditeurs ; depuis 2 ans, nous travaillons avec un agent spécialisé dans la vente des droits étrangers, par exemple à Bologne et à Francfort. C’est une vraie question : si un éditeur a la volonté de faire beaucoup de traductions à l’étranger, il doit y penser dès la proposition de l’auteur ou même la confection de la collection. Les livres sont réalisés avec notre culture française ; et même sur des sujets universels, nous avons une approche française ! Il faut mener la réflexion en amont. L’écueil à éviter est de faire des ouvrages formatés. (…) On aurait bien envie de vendre à l’étranger ! Nos documentaires ont trouvé preneurs en Corée et en Chine, sans doute par exotisme (rires) ! Pour la fiction, nous n’avons pas encore eu de résultat ; c’est sans doute lié à un style d’écriture. Il y a beaucoup à faire.
Une autre problématique est l’adaptation : lors du Salon du livre de Paris, j’ai participé à la journée de rencontres entre éditeurs et producteurs ; nous aimerions adapter certains ouvrages, que ce soit au cinéma, à la télé, en animé, etc. L’éditeur ne connaît pas toutes les contraintes d’un producteur en termes d’adaptation. C’est un dossier récent pour moi, mais très intéressant ; c’est un univers très différent avec caractéristiques particulières, mais un grand enjeu. Il y a une telle surproduction en édition que si un éditeur de notre taille veut vivre, il doit avoir d’autres sources de revenus.
Concernant la traduction : nous avons fait trois achats de droits en documentaires avant mon arrivée, et en fiction un achat de droits pour un roman pour les 8-12 ans, à un éditeur espagnol. On n’a pas multiplié les achats. L’envie est de publier surtout des auteurs francophones.
Question : Auriez-vous un conseil à quiconque serait tenté par le monde de l’édition ?
Réponse : il y a beaucoup de demandes et peu d’élus… réfléchissez peut-être au métier de lecteur ; j’ai rencontré une traductrice dont le témoignage est intéressant : (…) elle a pour métier « lectrice », c’est-à-dire qu’elle lit des manuscrits, mais participe également à des réunions chapeautées par la direction éditoriale afin de créer des scénarios, dans une approche très cinématographique. Le lecteur prend lui aussi part au processus éditorial.
Le master 2 serait intéressant, car on y fait un stage long, ce qui a permis à plusieurs stagiaires de travailler en externe après auprès de la maison dans laquelle on a été stagiaire. Le master fait la différence sur les CV (…).
Merci beaucoup pour votre temps et votre aide !
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