Interview : Agnès Marot, éditrice indépendante 2
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(Suite de l’interview d’Agnès Marot, éditrice indépendante)
Question : Quelles sont les compétences et les connaissances nécessaires à ce poste ? Existe-t-il une formation obligatoire ou fortement recommandée pour exercer ce métier ?
Réponse : on va commencer par les compétences… Il faut bien sûr une très bonne orthographe et une très bonne connaissance de la langue française ; de l’adaptabilité parce qu’on a beaucoup d’interlocuteurs, et il faut pouvoir échanger avec tous ; de la diplomatie ! Parce que c’est un métier où le relationnel, mine de rien. (…) Enfin, de la rigueur et de l’organisation pour tenir les délais, gérer les différents commanditaires, etc.
Sur la formation : un master 2 Édition est fortement recommandé parce que tous les éditeurs en veulent ; toutefois, j’ai beaucoup plus appris pendant mes stages et mon travail que dans le master. Le master m’a permis d’avoir une bonne vision du milieu et de faire les stages. Si on arrive sans diplôme et sans expérience, on aura du mal à gagner la confiance de l’interlocuteur. (…)
Question : Qu’aimes-tu le plus dans ton métier, qu’est-ce qui te satisfait le plus ?
Réponse : ah c’est dur, ça ! (Rires) … Le renouvellement, tout le temps. Parce qu’à chaque fois qu’on travaille sur un texte, ce sont de nouvelles personnes, un nouvel univers, de nouvelles méthodes… on apprend tout le temps.
Question : Quelles sont les principales contraintes à prendre en compte pour quelqu’un qui envisage d’entrer dans le métier ?
Réponse : il faut accepter d’attendre trois semaines les réponses à tes emails, et de relancer quand les délais son serrés… (Rires) Les contraintes physiques, c’est travailler sur ordinateur toute la journée ; c’est accepter de s’adapter : si tu es rigide et que tu n’arrives pas à t’adapter, ça risque de « clasher »… La communication représente au moins 75% du travail, avec les auteurs, les éditeurs qui t’emploient : c’est là que tout se joue. Ah, et puisqu’on ne choisit pas les textes nous-mêmes, il faut aussi accepter de travailler sur des romans que l’on n’aime pas… et accepter de ne pas tout changer pour en faire un roman à son goût, mais de respecter le texte initial !
Question : As-tu un objectif précis d’évolution à moyen terme ? Par exemple, créer ta propre structure, ou une embauche ?
Réponse : j’aimerais bien être embauchée, ne serait-ce que pour gagner en stabilité et en expérience ; j’ai encore beaucoup à apprendre. Si ce n’est pas possible, stabiliser mon activité d’indépendante pour stabiliser mon avenir. Mais je ne veux pas créer ma propre structure, parce qu’il y a un côté gestion et administration que je serais obligée de faire et que là je suis contente de laisser aux autres : je veux me concentrer sur le métier que je veux faire.
Relations avec d’autres maillons de la chaîne du livre
Question : Quels types de contacts as-tu avec les autres métiers du livre ?
Réponse : j’ai beaucoup de contacts avec les éditeurs qui m’emploient ; je dois m’adapter à leur demande car il n’y en a pas deux qui travaillent de la même façon : certains sont plus directifs, d’autres plus « lâches » ; il faut jongler aussi avec leurs chartes.
Les traducteurs : c’est un dialogue autour du texte qu’ils ont traduit ; je fais une prise de contact pour me présenter et pour présenter ma méthode de travail et je vois si ça leur convient. (…)
Les correcteurs : c’est assez simple, j’envoie le roman en disant si j’ai fait ou pas un gros travail édito ; ils font leurs corrections, me font valider. Ça va plus vite, vu que les délais sont serrés. Les éléments sont plus techniques, il y a moins à trancher qu’avec les traducteurs ou les auteurs.
Les compositeurs chez Hatier : il fallait leur donner des infos plus techniques, leur faire comprendre les enjeux de la nouvelle maquette pour qu’ils puissent adapter dans les exceptions ; c’était un travail uniquement sur l’aspect graphique.
Les auteurs : c’est encore plus délicat qu’avec les traducteurs, car ils sont la plupart du temps très attachés à leur texte. Je signale tout, autant des détails que des gros changements de fond. (…) Dans tous les cas, c’est important de leur faire comprendre que c’est eux qui choisissent, même si c’est moi qui propose…
Perspectives
Question : Le numérique semble prendre une part croissante dans la stratégie des éditions. Est-ce que tu travailles sur du numérique ?
Réponse : je ne l’ai pas encore fait, mais le travail serait le même, du moins pour le texte.
Question : Sur quelles autres problématiques souhaiterais-tu insister ? Y a-t-il des points que nous n’avons pas abordés et qui semblent importants ?
Réponse : mon métier est intéressant parce qu’on peut voir plusieurs choses, mais il est compliqué au moins administrativement parlant : quand tu es indépendant, tu n’es pas au chômage, tu n’es pas salariée, tes revenus sont variables (…) ; c’est agréable et très intéressant, mais inconfortable. (…)
Pour moi, la grosse contrainte, c’est le chaos : tu ne sais jamais d’une semaine sur l’autre ce que ça va donner, il y a beaucoup d’imprévus, dans un sens comme dans l’autre.
Question : Aurais-tu un dernier conseil à quiconque serait tenté par le monde de l’édition ?
Réponse : c’était vrai quand on m’a dit qu’il fallait de la culture générale ! (Rires) Il faut être curieux. Et savoir se battre pour aller jusqu’au bout, parce les places sont chères, ce n’est pas juste une légende…
Merci beaucoup de ton temps et de ton aide ! Et bonne chance dans tes projets :)
Pour aller plus loin
Article sur le métier de packager (ou packageur) éditorial